WUYCKENS Henri - Sgt - Mat 0658 2nd Company - 3rd Peloton - 3rd Section |
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Témoignage édité dans le bulletin d’information BBH
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Les années ont passé et le livre du camarade Weber m’a aidé à me souvenir des dates, lieux et la seule excuse que l’on peut avoir est que nous ne sommes pas tous des écrivains et les années passent, même les noms sont confondus et les lieux n’en parlons pas, tout au moins pour ma part. Ce qui suit est écrit en souvenir de mon Lieutenant Rogge, 2e compagnie, 3e peloton d’assault.
Le 11 novembre 1944, fin d’une journée qui 26 ans plus tôt nous laissait un souvenir heureux et cette année, pour nous, cela n’était pas le cas.
Nous avions reçu l’ordre de rejeter l’ennemi de l’autre côté du Canal de Wessem. La veille dans cette direction, un des hommes du peloton avait marché sur une mine de bois dont la ration était le pied et souvent la jambe et ce jour nous devions y aller. A chaque pas, le danger était là, sans pouvoir se défendre, simplement subir la loi du destin.
Le départ fut donné au 3e coup aérien de notre artillerie qui terminait son tir sur les positions ennemies. Notre peloton y alla de tout son coeur, ma section avec le restant de Wisky dans la gourde, notre Lieutenant Rogge en tête.
Canal de Wessem
Vue sur les ponts que les allemands avaient fait sauter auparavant.
A peine arrivé au but de l’attaque, une élévation de terre de plus ou moins 6 mètres qui longeait le canal, les grenades ennemies pleuvaient, les bombes de mortiers tombaient dans la plaine derrière nous. Nous creusions à mi-hauteur, oh pelle chérie, toi que l’on voulait abandonner en chemin. En creusant, je rencontrai un objet dur, je voulais l’enlever à la main mais je m’apercevais qu’il était trop chaud, un éclat de mortier qui était passé entre ou sur le côté des jambes.
Le soir tombe dans cette fournaise de mortiers, grenades, tirs de 88. Le Lieutenant Rogge passe dans ses sections, la mienne se trouvait à l'extrême droite du dispositif. Il me signala que la position était intenable et pour le lever du jour, nous aurions sans doute un repli de quelques centaines de mètres. (Ce fut au retour qu’il fut blessé, je ne le su que le lendemain matin).
Un de mes canadiens fut blessé, je le renvoyais avec un autre gars qui devenait comme fou, il riait, criait à bout de nerf.
La nuit se passa plus calmement, j’attendais le signal du Lieutenant. 5 h du
matin..., rien; 6 h... pas plus, 7 h... le jour s’était levé et toujours rien. Comme je
donnais l’ordre à mi-voix (croyant les allemands de l’autre côté du canal), de
prendre des nouvelles de la section de gauche, 3 grenades (forme d’oeuf)
arrivent dans notre direction, nous avons juste le temps d’écarter celles qui se
dirigent vers le trou. Une patrouille ennemie avait retraversé le canal et se
trouvait juste derrière la butte, eux qui en défensive avaient beaucoup de
grenades, tandis que nous nous n’en avions plus ayant lancé celles-ci la veille.
Les allemands n’osaient pas passer la tête au dessus de la butte et nous non
plus. Reflexe aussi merveilleux d’un de mes hommes qui, n’ayant pas vu la
grenade tomber dans son trou, saute à l’extérieur pour la laisser éclater et puis
revient dans son abri.
Nous étions là, 10 hommes, 8 de ma section et 2 de la section de gauche,
j’appris par chuchotement qu’il n’y avait plus personne sur la gauche et comme
j’étais à l’extrémité droite, nous étions seuls.
Rester je ne pouvais le faire, les allemands pouvaient passer la butte et nous tomber dessus comme la scout-section qui nous avait remplacé à Ittervoort. Il ne restait plus que le repli comme avait prévu le Lieutenant, ce que je fis mais dans le silence le plus absolu car les allemands ne pouvaient le deviner. Ce fut l’éternel feu et mouvement dans un pays plat où il n’y a que le brin d’herbe pour se cacher, mais après 300 mètres, un tireur isolé sans doute dans les arbres de l’autre côté du canal, commença à nous tirer dessus mais heureusement il n’était pas d’élite, toutefois assez près pour voir le ricochet sur la terre. Nous tirions dans la direction de ces arbres sans savoir si c’était la bonne, nous n’étions pas loin de nos lignes. Après les renseignements donnés par les sentinelles rencontrées, la section se dirigea vers le P.C. heureux d’en être sorti indemne mais étonné que notre chef de peloton nous ait laissé sur place. Nous rencontrions le Major, commandant la compagnie, qui se dit tout heureux de nous voir nous croyant morts ou prisonniers.
L’adjoint me signala la blessure et la mort du Lieutenant.
Si j’ai écrit ces quelques lignes mon Lieutenant, c’est pour démontrer dans quelle circonstance et quel enfer vous avez été blessé en faisant plus que votre devoir. Malgré toutes ces années et même celles qui suivront, votre image restera gravée dans notre mémoire, celle d’un grand soldat au courage légendaire.
Mon frère Wuyckens Maurice était mortier 2 ‘’ même peloton, blessé et fait
prisonnier en patrouille à Thorn, la aussi le Lieutenant s’est conduit en héros.
Bien amicalement,
Ath, le 7 août 1978
Wuyckens Henri,
Lt. Rogge Gérard,
Platoon Cdr., 3e peloton d’assaut, 2e compagnie