PIRE Georges - Sgt - Mat 4830

 
 

 

Ce récit est extrait du Bulletin d'information 2006 - N°4 de la fraternelle NAMUR-LUXEMBOURG.
Il relate succinctement l'aventure vécue par Georges Pire pour gagner la Grande-Bretagne en 1943.

 

 

 

Le 12 avril 1943, avec un compagnon, Lecaille Auguste, nous partons pour l'Angleterre, démarrant en vélo pour commencer. Ensuite nous prenons le train à Reims pour Pau, changement à Paris, métro vers la gare d'Austerlitz, direction de Bordeaux afin de gagner Pau, espérant changer de train à Dax. Hélas, à Bordeaux, la Gestapo monte dans le train pour contrôle. Arrêtés, nous sommes conduits à Biarritz, au siège de la Gestapo, qui était à ce moment à l'hôtel Edouard VII. Nous sommes alors le 13 avril. Enfermés dans les caves, nous étions environ 70. Les interrogatoires ont commencé et le mien fut particulièrement musclé.

J'ai fait alors la connaissance de Jacques Dorangeville, qui habite à Melun 35, rue Albert Moreau et est toujours en vie, de Jacques Jamin qui habitait à Amboise 32 rue François Clouet; de Roger Linchet et de Maurice Bru, tous deux de Libourne. Je ne les ai jamais revus car ces trois derniers ont terminé la guerre à Buchenwald et Dora.

Trois jours plus tard, nous avons été conduits, sous bonne garde à Bayonne, à la citadelle, appelée Villa Chagrin. A trois par cellule, nous vivons l'espoir d'une libération très proche. J'étais avec Jacques Dorangeville et Roger Linchet dans la cellule 33, Auguste était avec Maurice Bru et Jacques Jamin dans la cellule voisine; et cela jusqu'au 27 avril après-midi. Ensuite chargés dans des camions en direction de la gare de Bayonne. L'horloge de la gare marque 15 heures 10. Nous sommes enfermés dans des wagons, entassés comme des sardines, et bien bouclés. Le train s'ébranle vers 22 heures en direction de Bordeaux. Avec l'aide d'un compagnon, nous arrivons à crocheter la serrure et ensuite à décrocher la chaîne se trouvant à l'extérieur.
Vers 2 heures le matin du 28, le train s'arrête gentiment, à proximité de la gare de Lamothe, limite du département des Landes et de la Gironde.
Nous sautons sur les voies, et traversant une route, nous plongeons dans les marécages en direction de l'Est, ensuite à travers bois, nous arrivons au petit village de Mios.
Nous sommes 4, Auguste, Dorangeville, Jean Faure que nous ne connaissions pas et moi. Nous décidons de nous séparer, c'est plus facile pour survivre et passer inaperçus car nous n'avons ni papiers ni argent. Auguste et moi, nous nous cachons dans l'église, qui par chance est à la limite du village, mais face à l'entrée de la Kommandantur.

Deux heures plus tard, la dame qui vient nettoyer l'église nous découvre, nous cache dans le clocher, nous apporte de quoi manger, de quoi nous laver, nous donnant à chacune de ses visites des nouvelles de l'extérieur. Nous apprenons ainsi que quatre évadés avaient été repris, dénoncés par un homme du village. Deux jours après, cette dame nous accompagne à la limite de la forêt, puis nous nous séparons le coeur serré. Cette dame s'appelait Lucie Lafargue. Je suis toujours en relation avec une partie de la famille.

Nous nous sommes alors dirigés vers la ligne de démarcation que nous avons traversée sans encombre à Beaulac, traversant le ruisseau «le Ciron », nous arrivons en bordure du village de Cudos, dans le Gers, où nous passons la nuit, très bien accueillis par la propriétaire des lieux. J'ai les pieds enflés et douloureux et suis soigné à l'eau chaude très salée. Et nous repartons le lendemain toujours en direction de Pau, beaucoup de campagne et plus difficile de se cacher:
Plus loin, nous retrouvons la forêt de pins encore et après avoir traversé une de ces forêts qui avait brûlé, nous sommes arrêtés par la population aux approches de Labastide-d'Armagnac.

Nous sommes pris en charge par un alsacien, responsable des étrangers avant l'arrivée de la gendarmerie qui avait été avertie: nous travaillons 3 jours au château, dans le parc mais sur les conseils de l'alsacien qui nous fournit un peu de victuailles, nous repartons. Nous arrivons ainsi à Angaïs, petit village entre Pau et Lourdes, où Auguste a une connaissance.
Nous y restons une quinzaine de jours afin de nous reposer un peu et de faire le point de la situation.
Après une alerte (deux miliciens en civils qui nous recherchaient) nous repartons en direction de Saint-Pastous, petit village dans la montagne.
La première masure que nous rencontrons est celle qui nous avait été renseignée à Angaïs. Bon accueil, l'homme nous conduit à Bôô, petit village en dessous, chez des Belges.

Sur les conseils de l'un d'eux, nous allons à Pierrefitte-Nestalas, où nous serons arrêtés par la gendarmerie, nous avons été dénoncés.
Conduits à Lourdes, nous sommes condamnés à un mois de prison et 1200 francs d'amende. Nous avons alors été emmenés à Tarbes à la maison d'Arrêt et enfermés dans la cellule 13 en compagnie d' Alexandre Marquis de Lourdes, un résistant qui sera fusillé en 1944. Un mois plus tard, nous sommes conduits à Bagnères-de-Bigorre dans un camp de travailleurs étrangers. L'occasion
est trop belle, le 8 juillet nous tentons la traversée des Pyrénées, mais cette fois sous la conduite d'un guide, nous franchissons la frontière par la porte de Bielsa le 11 Juillet vers 10 heures.
Arrêtés à Bielsa d'une manière très gentille, nous avons été conduits après trois jours à Barbastro, une prison infecte. Treize jours plus tard, transfert vers Sarragosse où nous restons un mois puis nouveau transfert à Bilbao, cette fois, à la citadelle pour deux ou trois jours, et enfin à Saint-Sébastien, où nous serons libérés après trois jours.
Ensuite séjour à Madrid, 3 mois, au Portugal 15 jours et enfin départ pour l'Angleterre où je suis arrivé le 16 décembre 1943.

Hélas, Auguste est décédé le 4 Janvier 1988.

 

Ce récit est un résumé, mais je jure qu'il reflète la pure vérité.

 

Georges Pire