Edouard GERARD - Pvt - Mat 2553

3rd Unit - 5th Assault Pl

 
 

 

Témoignage écrit le 15 août 1946 par le Cdt HOUBION

 

NOTES SUR LE SOLDAT EDOUARD GERARD.

1ère Brigade Belge "LIBERATION".

 

En septembre 1941, un tout jeune garçon arrivait au camp de MIRANDA de EBRO. Il se présentait à moi et déclarait être Dinantais et s'appeler Edouard GERARD. Il fut de suite adopté par les autres Dinantais se trouvant alors internés à Miranda! Van Loo, Louvigny et moi-même partagions avec Edouard nos maigres vivres. Evacué à l'hôpital disciplinaire de Pamplune en novembre 1941, je devais revoir Edouard après ma libération. En janvier 1942, je me trouvais à Madrid attendant mon visa pour le Portugal. A cette date, je vis arriver à l'Hôtel Mora à Madrid, Edouard. S'étant déclaré, lors de son arrestation, de nationalité canadienne, il avait été pris en charge par les Anglais et, libéré, il gagnait Gibraltar. Quelques jours après mon arrivée à Londres, j'apprenais l'arrivée d'Edouard dans la capitale anglaise.

Comme déjà à Miranda, il me fit part de son désir d'entrer à la Royal Air Force. Marcus GENDEBIEN de Thuin et le Lieutenant de LIMELETTE lui conseillèrent d'insister pour passer à l'aviation. Aussi, ce fut une désillusion pour Edouard quand, à Londres, on lui ordonne de rejoindre les Forces de Terre à Malvern.

Etant moi-même cantonné dans cette dernière ville, j'y rencontrai Edouard le soir de son arrivée! C'était début avril 1942.

Nous passâmes la soirée ensemble en compagnie du Lieutenant Aviateur van BETHOVEN. Comprenant le dépit de notre protégé, nous nous rendîmes chez le Major CAJOT, commandant le Centre d'Instruction de la Section Belge de la R.A.F..

Le Major CAJOT, sur notre insistance, inscrivit Edouard à son effectif. Malheureusement, après quelques semaines, n'ayant pas fait les études requises (humanités minimum), Edouard était renvoyé au 2ème Bataillon d'Infanterie! Après un séjour de quelques mois dans cette unité, Edouard était muté au 1er groupement belge et servait sous mes ordres à la Cie EM. Il ne cachait à personne sa rancoeur de n'avoir pu devenir pilote de la R.A.F. et, à plusieurs reprises, manifesta, parfois un peu vertement, son mécontentement. Cela lui valu des sanctions disciplinaires.

Un jour enfin, il fut, sur sa demande, désigné pour une unité de parachutistes. Hélas, une fois encore, le jour du départ pour cette unité, il tombait malade et ne put rejoindre. Toujours, il manifesta son désir de combattre. A peine remis de sa maladie, il demandait à passer à la marine! Entretemps, le débarquement avait commencé et à maintes reprises, il vint me trouver, impatient de prendre part au combat. Enfin, le grand jour arriva, celui de notre départ pour la Normandie. Je revois encore Edouard au camp d'embarquement de Tilbury. Sa joie faisait plaisir à voir. Bientôt, ce serait réalité, il participerait, les armes à la main, à la libération des pays occupés, bientôt il reverrait les êtres chers, il reverrait Dinant.

Que de projets ensemble nous avons faits. Il faisiat partie de la 3ème Unité Motorisée. Le 14 août 1944, vers 23 hrs, je m'étais rendu à Sallenelles. J'accompagnais le Colonel PIRON. Le peloton d'Edouard devait effectuer cette nuit-là, un raid sur les positions allemandes installées au moulin du Buisson, entre Sallenelles et Franceville. Le peloton était rassemblé avant l'action, dans une ferme, à la lisière Nord du village de Sallenelles. Edouard que je rencontrai au lieu de rassemblement était heureux et fier d'être de ce raid. Son chef de peloton l'avait désigné pour occuper, avec deux de ses camarades, une tranchée d'où ils pourraient protéger le retour de la pointe du détachement, après la reconnaissance. La tranchée se trouvait à quelques mètres en avant d'une maison. Une bombe allemande vint éclater contre le pignon de cette maison et un éclat ricochant vers la tranchée atteignait Edouard dans le dos. Sans une plainte, Edouard rendait le dernier soupir. C'était le premier mort de la Brigade, le premier héros de cette unité composée de ceux qui toujours avaient foi en la victoire finale.

J'appris, à l'aube du 15 août, la mort de mon petit camarade et c'est au poste de secours, où aussitôt je m'étais rendu, que je revis le visage calme d'un enfant semblant dormir, Edouard GERARD, volontaire de guerre, évadé de Belgique, tombé en héros pour la liberté de son pays.

L'après-midi, nous le conduisions au cimetière des Braves, à Ranville.