Pierre-Antoine GAYE - SLt - Mat 2392

Batterie d'Artillerie 

Comd  Troop B

 

Témoignage de son fils Pierre-Jules Gaye

 
     
Engagé volontaire contre le gré de sa famille, Pierre-A. Gaye a rejoint les forces armées belges libres en Angleterre. En 1940, il était âgé de 17 ans.

Élève officier à OCTU, il est sorti major de Catterick Camp enfoui dans les moors du Yorkshire, comme en atteste le rapport du 123 OCTU RA sur le 0. Cdt. GAYE P.A, signé par le Lt.Col.R.A. Pike.
Il devint le plus jeune sous-officier de l'armée belge en Angleterre, au sein de la Brigade Piron.

Pierre Gaye embarqua à Tilbury pour débarquer en Normandie à Courseulles avec la B Troop, 1st.Belgian field battery,  commandée par le capitaine Simonet.
Pierre Gaye était B Troop leader et dirigeait une batterie de douze pièces d'artillerie qu'il conduisit jusqu'en Hollande à Thorn, puis en Allemagne, à Berlin.

Leur parcours fut le suivant : Tilbury, Courselles, Drne, Sallenelles, Gonneville, Cabourg, Dives-sur-Mer, Villers-sur-Mer, Deauville,St Maclou, Borneville (forêt de Brotonne), Jumiege (Seine Crossing), Caudebec en Caux, Allouville Bellefosse, Valliquerville, Yvetôt, Rouen, Arras, Douai, Orchies, Rnongy (Belgique) Antoing, Leuze, Enghine, Halle, BRUXELLES, Louvain, Diest, Beeringen (Albert Canal), Stall, Bourgleopold, Lommel, Ellicom, Laar, Ruppel, Kinrooi, Neertter (Holland), Molendeersel, Thorn,  deux mois dans la boue... Dans l'Allemagne occupée, Pierre Gaye exerça les fonctions de maire pendant quelques mois.

Alors qu'il était à Louvain, avec sa jeep et un aide de camp, il passa derrière la ligne de front pour gagner Verviers dans la province de Liège. Il y retrouva furtivement sa mère qu'il n'avait plus vue depuis plusieurs années. Il apprit que son père Jules Auguste Gaye était décédé des suites d'une neurasthénie.

Après la libération, il retourna en Angleterre pour épouser Mary Robinson, ambulancière de guerre de Keighley, qu'il avait connu dans le Yorkshire. Ils eurent sept enfants.

Officier de réserve, capitaine commandant, Pierre-A Gaye est décédé en 1983. Il souffrait d'une affection aux bronches contractée pendant la guerre.
Il repose au cimetière de Sart-lez-Spa.
Parmi les nombreuses médailles et citations dont il fut l'objet, Pierre-A. Gaye fut décoré de la Distinguished Service Order.

Témoignage

Mon père était un travailleur acharné. Je ne l'ai pas vu souvent au cours de ma jeunesse, d'autant que dès l'âge de 10 ans, il m'a envoyé au pensionnat, non pas par punition, mais pour mon bien. Pour lui, le chemin de la liberté et de l'élévation de l'homme était celui de l'éducation et des études.

Je me souviens de ces soirées d'enfance où après le travail, il venait dans ma chambre me raconter ses histoires de guerre. Agenouillé contre le lit, il me parlait doucement, avec la passion qui le caractérisait. Ses histoires de guerre vécues étaient empreintes de morale et il en tirait toujours enseignement.

Il me disait : "Are you a man or a mouse...? " (Es-tu un homme ou une souris...?)
Je répondais : " I'm a mouse... " tant je voulais me faire petit,tant il était (trop ?) exigeant.

Les relations père-fils ne sont jamais évidentes.

Avec le recul, je me rends compte combien mon père était aimant et combien il nous aimait tous, sans exception. Il m'a transmis les valeurs essentielles, celles qui sont les miennes. Je les lui dois. Il m'a appris à dire non, à résister. Il m'a appris à aimer, il m'a appris à ne jamais renoncer.

Nuts...avait répondu le général américain à Bastogne, sommé de se rendre par les Allemands. La compagnie fut décimée mais Bastogne ne tomba pas. Je tiens ça non de livres d'histoire mais des histoires racontées par mon père tard le soir.

Pierre A. Gaye était un homme d'honneur et de devoir.
Pierre-Jules Gaye
fils aîné, né en Angleterre, en 1946

 

Extraits de notes laissées par mon père, le SLt P-A GAYE, sur le débarquement et la Campagne.


"Nous sommes partis de Tilbury en convoi escorté par des contre-torpilleurs et des avions de chasse. Un jour et une nuit en mer. Ancre jetée à 1h du matin au large d'Arromanches.

On a regardé le champs de bataille des plages, jonché d'éclairs. On a assisté à l'anéantissement d'une compagnie de Polonais par les américains suite à une erreur.
A 4-5 heures, on a débarqué. J'étais perdu mais on s'est tous retrouvé dans les prairies avec la compagnie. Tous avaient repris leur place. J'ai découvert mon premier mort, sous un arbre derrière un buisson, un trou d'homme,  une tête qui dépasse et deux yeux grands ouverts. C'était atroce à voir...

La bataille de la forêt de Bretonne a été terrible. Sur le plateau dominant le forêt, je commandais une batterie de quatre pièces au milieu de canons anglais. Il y avait environ 900 canons regroupés dans un petit espace. Nous avons pilonné les lignes allemandes pendant deux jours.
Il y avait une hécatombe de chars allemands, de charrettes et de chevaux crevés le ventre gros prêt à exploser.
Nous étions éreintés. Je me suis endormi dans un ruisseau. C'est là que le capitaine Simonet m'a relevé et m'a ordonné le repos. J'ai dormi pendant 48 heures d'une traite.

A Bruxelles, pour repartir sur Bourg-Léopold, où nous soutenions la deuxième armée anglaise,  nous n'étions que 30% à répondre à l'appel. Le lendemain tous étaient là. Je suis parti avec ma jeep et un ajusteur d'Aubel. Nous sommes passés derrière la ligne de front jusqu'à Verviers, avenue d'Anvers où habitaient mes parents, Bobonne et Bon Papa. Je suis entré mais ils n'étaient pas là. Lorsque je suis revenu à  ma jeep, elle avait été recouverte de fleurs, à l'intérieur et sur le capot. Pitouche, M. Huveners, ami de la famille, m'a indiqué où était ma mère.

Raoul Derenne, chef de position est tombé gravement malade. Je l'ai remplacé trois mois. Je n'avais que 20 ans.

La Campagne de Hollande a été très dure. La Normandie c'était la cavalcade des cow-boys, nous vivions sur l'habitant et on mangeait du corned beef matin, midi et soir.
En Hollande, c'était le début de l'hiver et nous défendions une ligne de front. Imaginez la plaine limbourgeoise et l'angle d'un canal tenu par les SS Allemands. Ce furent des mois terribles, épouvantables, inexplicables.
Les bombardements n'arrêtaient jamais, les pertes d'hommes étaient importantes et il fallait traverser les canaux.

Six semaines, en avril 1945,  nous avons tenu le pont sur le canal de Wessem, la petite brigade belge tenait une ligne de front de 12, 5 kilomètres. C'est une compagnie qui nous a relevés."

 

Suite à ce témoignage, une cousine de Monsieur Pierre-Jules GAYE a relaté le souvenir de son oncle :

En visite chez mon fils Bruno, à Liège, je profite de l'ordinateur de celui-ci pour aller  visiter le site dont jacques, mon frère m'a parlé.

Je suis très fière d'avoir eu un oncle courageux qui a osé se lancer dans une telle "aventure"; à l'époque il ne voulait pas en parler car c'était trop "frais" dans sa tête.

Je me souviens de ce repas de Noël à la maison, rue des Déportés, en 44. il était revenu pour 24 heures avec le capitaine SIMONET. Bobonne, stressée, ne mangeait rien, assise avec son manteau de fourrure et son sac sur les genoux avec bijoux et papiers, prête à décamper dans la cave au cas où !

Ton papa lui a dit "Tu manges comme une pitite zoiseau", ayant perdu l'habitude du français.

Une bombe venant de tomber à proximité, les fenêtres, non verrouillées, s'étaient ouvertes toutes seules. Toute la famille s'est précipitée dans la cave, ...sauf trois : Ton père, SIMONET et oncle Iwan !
Ils finirent tranquillement la bonne bouteille sortie pour l'occasion et se moquèrent de nous à notre retour.

Voilà ce qui me revient tout d'un coup à l'esprit en lisant ton témoignage.

Mianne PIRNAY, Vve Paul CHRISTIANE
Avenue de Spa, 37 - B 4800 VERVIERS