COCRIAMONT Claude - Sergent - Matricule 0678

3th Motorized Unit - 5ème Peloton d'Assaut -

Chef de la 2ème Section

 

Claude COCRIAMONT n'a pas encore 17 ans lors de l'invasion allemande du 10 mai 1940.

Aussi, va-t-il être parmi les premiers à rejoindre l'Angleterre et servir la Brigade.

Durant toutes les campagnes, il sera le Chef de la 2ème Section du 5ème Peloton d'Assaut du Lieutenant THUMAS (3ème Unité Motorisée du Major NOWE).

Il nous transmet ses mémoires 1940-1945 ci-dessous

 

Composition de la 2ème Section :

Sgt COCRIAMONT Claude Chef de Section   Sdt CONREUR Clément Fusiller d'assaut
  Sgt RAMAN Roger Adjoint de section     Sdt HAUREZ Camille Fusiller d'assaut
Sdt MICHEL Jules Equipe BREN   Sdt LEFEVER Valère Fusiller d'assaut
Sdt HANSEN Gabriel Equipe BREN   SCHOENTGEN Albert Fusiller d'assaut
Sdt EVELING Jean-Pierre Equipe BREN   Sdt BINARD Victor Fusiller d'assaut

 

Mes Mémoires de la Guerre 1940-1945

Le 10 mai 1940, le jour de l’horreur, les Allemands ont envahi la Belgique, la guerre est déclarée.

Suite à la demande de l’administration communale, il est recommandé aux jeunes de 16 à 35 ans de se rendre à Ypres en vue d’être expédiés dans le sud de la France (Toulouse), sans aucun commentaire.

Comme j’allais avoir 17 ans le 20 mai, mes parents, après beaucoup de discussions m’ont demandé si je voulais partir. Ce fut une chose terrible à décider, mais pour ne pas partir en Allemagne comme travailleur obligatoire, j’ai décidé de partir.

Le 13 mai 1940 à 18 heures, je m’embarquais dans un train à charbon à la gare de Charleroi. Des centaines de jeunes gens attendaient le départ pour Ypres.

Ma mère qui m’avait apprêté mon sac à dos et mis une couverture rose sur le dessus du sac aurait été bien triste de la voir car une demi heure après être resté dans le wagon, ma couverture était devenue noire…

Durant tout le trajet pour Ypres, nous avons été mitraillés plusieurs fois. Environ 10 heures après notre départ, nous sommes arrivés à destination. Sur la place de Ypres se trouvaient des centaines de jeunes qui attendaient des ordres ( ?)…

Après avoir attendu 3 heures, je me décidai avec 3 jeunes, de partir vers la frontière française. Après avoir fait des kilomètres à pied et en camion, nous sommes arrivés près d’une gare dont je ne me souviens pas du nom. Il y avait un train bondé. J’ai demandé où le train allait. Après avoir consulté le chef de gare, il m’a répondu que la destination était Bordeaux, sauf contre ordre.

Nous avons roulé des heures et pour finir, nous sommes arrivés à Arras. Quelques minutes après notre arrivée, les avions allemands ont commencé à mitrailler et puis ils ont lâché des bombes. Voyant cela, je me suis sauvé à toute vitesse et quelques minutes après, le train était pulvérisé.

J’avais perdu mon sac à dos contenant mes effets ainsi que mes papiers et carte d’identité.

Nous avons attendu plusieurs heures et je me suis adressé à un garde pour savoir s’il n’y avait pas un train en partance pour le sud de la France. Le garde, très gentil, m’a répondu qu’un train se formait pour Bordeaux (sauf contre ordre…). Après avoir attendu plusieurs heures, le train artait. Nous avons roulé des heures et à notre grande surprise et celle de tous les voyageurs, le train a stoppé et nous avons vu des militaires anglais qui nous attendaient avec leurs camions. Nous avons été obligés de monter dans les camions et ils nous ont débarqués près d’un port, c’était Cherbourg.

Après que tout le monde était monté sur le bateau, il se mit en route vers une destination inconnue. Nous sommes restés 6 heures pour faire la traversée. Nous avons débarqué et des cars nous attendaient pour nous conduire dans un stade (Wembley). Je suis resté 11 jours dans ce stade et durant ce temps, des officiers nous demandaient des renseignements sur notre voyage. Comme je n’avais plus de papiers d’identité, j’étais suspect. J’ai du raconter tout mon voyage plusieurs fois. Après être resté 11 jours dans ce stade, les officiers anglais ont décidé de me mettre dans une maison civile comme réfugié. Je me suis retrouvé à Ruislip. Les habitants étaient très gentils et en plus, il y avait une jeune fille de 17 ans. J’ai été très gâté et je dois encore remercier ces braves gens.

Après être resté 3 semaines chez eux, un malheur allait s’abattre sur moi. Un jour, dans le courant de la soirée, la Military-Police s’est présentée à cette maison et ils m’ont demandé de les suivre au bureau de police. Comme je ne connaissais pas l’anglais, ils ont du faire appel à un traducteur. Celui-ci m’a demandé pourquoi j’allais voir les avions atterrir et décoller. J’ai répondu que c’était pour passer mon temps. Je crois qu’ils m’ont pris pour un espion. L’inspecteur m’a dit que j’allais être transféré dans une autre ville (Kenton) et là, malheur, je suis tombé dans une pension de Polonais. Pour déjeuner, j’avais une demi banane et une tartine. Pour dîner, des rutabagas, des feuilles de choux et des morceaux de gras de mouton. Le soir, j’avais le restant de la banane et une tartine. Je crevais de faim.

Etant donné que je n’avais plus qu’un pantalon troué et des souliers troués, je me présentais dans une sorte de CPAS pour recevoir de quoi m’habiller. Mais comme j’étais encore gamin, je ne savais rien obtenir, j’étais toujours renvoyé. J’oublie de dire qu’il m’était interdit de travailler car j’étais réfugié.

Vu cela, je me suis présenté dans un chantier où l’on fabriquait des abris en béton. Après avoir expliqué au patron, comme je pouvais, que je crevais de faim, il m’a engagé en fraude pour terrasser. J’étais heureux de pouvoir gagner un peu d’argent, mais le patron m’avait prévenu qu’il ne pouvait pas me prendre car c’était interdit.

Après une semaine de travail, je n’en pouvais plus, mes mains étaient en lambeaux et j’ai du abandonner.

Quelques jours après, j’ai rencontré un gentil monsieur qui m’a dit que je pouvais peut-être travailler en fraude dans une fabrique de papier. Effectivement, ce monsieur a fait le nécessaire et je suis rentré pour travailler. Hélas, après 5 jours, j’ai été dénoncé et j’ai du quitter avec regrets.

Dans les jours qui suivirent, j’ai eu l’occasion de rencontrer un militaire français qui m’a dit que l’armée française (De Gaulle) engageait des hommes âgés de 18 ans minimum. Je me suis décidé d’aller voir. J’avais peur car je n’avais que 17 ans et n’avais plus de carte d’identité. Je me suis rendu auprès de l’armée française et après une longue conversation avec le capitaine, il m’a dit qu’il était heureux de me recevoir dans son armée (je lui avais dit que j’avais eu 18 ans le 20 mai).

Hélas, une semaine après mon engagement, j’ai été rappelé chez le capitaine qui m’a dit qu’il ne pouvait pas me garder car je n’avais que 17 ans, mais il m’a proposé de me rendre dans l’armée belge qui se formait à Tenby, à 250 km. Je n’ai jamais su comment il avait appris que je n’avais que 17 ans.

Comme je ne savais pas parler l’anglais, ce capitaine a décidé qu’il me ferait accompagner par un de ses soldats pour me rendre à Tenby.

Comme convenu, 2 jours plus tard, je remettais mes habits militaires et nous partons à Tenby.

Arrivé à destination le soir, nous avons cherché dans toute la ville où se trouvaient les volontaires belges et ce fut après de longues heures que nous avons trouvé une grosse maison occupée par des soldats belges. Ils dormaient sur de la paille et c’est là que débuta mon engagement. Il y avait environ 150 à 200 soldats et j’ai reçu le matricule 0678.

De jours en jours, l’armée belge s’est formée pour atteindre 2500 hommes. Nous étions commandés par le Major CUMONT et ensuite par le Colonel PIRON.

J’ai été engagé en septembre 1940 dans l’infanterie et ensuite dans le peloton d’assaut. J’ai été nommé sergent au 5ème Peloton, 3ème Compagnie. Je commandais une section de 10 légionnaires qui avaient la réputation de grands guerriers.

Voici les villes où j’ai été cantonné : TENBY – PENNALY – HAVENFORWEST – CARMARTHEN – LOWESTOF – CAMBRIDGE.

Pour mémoire :

Débarquement le 8 août 1944 à COURSEUILLES (ARROMANCHES)

« Délivré » SALLENELLES – MERVILLE – CABOURG – HOULGATE – VILLERS SUR MER – BLONVILLE - RANVILLE – DEAUVILLE – TROUVILLE – HONFLEUR.

Après avoir délivré ces villes, un ordre nous est donné, il faut partir pour la libération de Bruxelles.

Nous avons traversé la France et sommes arrivés à la frontière belge à Rongy.

Après la libération de Bruxelles, le Général PIRON nous a donné 3 jours de congé pour rendre visite à nos parents.

Dès le retour à la Brigade, nous sommes repartis au front vers BOURG-LEOPOLD, MAASEIK, THORN et le Canal de WESSEM en Hollande.

Je n’ai pas pu me rendre en Allemagne car j’ai été blessé à KINROOY et transporté à l’hôpital Saint-Jean à Bruxelles.

En fonction de mes blessures, je ne pouvais plus combattre et j’ai été transféré à JODOIGNE comme sergent instructeur aux futurs sous lieutenants.

J’ai été démobilisé en septembre 1945.

Quand j’étais en Angleterre, j’ai fait la connaissance de 2 frères (Rouilly) dont le papa travaillait à l’Ambassade à Londres. Ils m’ont fait d’énormes plaisirs. Je retournais en congé chez eux.

Ma mère a reçu l’annonce de mon décès 11 mois après mon départ de Belgique. Il est probable que l’on a retrouvé mes papiers qui avaient été perdus lors du bombardement de Arras…

J’ai pu lui faire parvenir un télégramme par la Croix Rouge quand j’étais en Angleterre (vers 1943).

Et pour terminer, à mon retour en Belgique, j’ai connu une jeune fille le 21 octobre 1945. Elle avait 19 ans et je me suis marié le 10 août 1946. Elle s’appelle Yvonne Hubiart.

Ce récit a été écrit le 8 mars 2008, j’ai 85 ans…..

 

(sé) Claude COCRIAMONT