La Compagnie du Génie
Capitaine Smekens Richard Engineers Coy – Staff Matricule : 28132 |
Lieutenant Lefèvre Pierre Engineers Coy - Staff Matricule : 3693 |
L’histoire de la compagnie du Génie est indissociable de celle et de son chef : Richard Smekens. Cet officier que le destin a emporté trop tôt est, comme on l’a vu, le véritable fondateur des Forces belges de Grande-Bretagne.
Il avait comme adjoint en 1940, Pierre Lefèvre qui ne l’a pas quitté pendant cette Deuxième Guerre Mondiale. Ecouter l’un, c’est entendre l’autre. Vingt-neuf ans après la fin des combats, celui qui était « commandant en second de la compagnie du Génie de la Brigade Piron », a raconté son odyssée, laissons-lui
la parole :
« Le 1e septembre 1939, la phase C de la mobilisation est décrétée. Rappelé depuis le 27 août, je rejoins Auderghem où mon bataillon, le 25e Bataillon du Génie, se forme. Je suis chef de section au 2e peloton de la 2e compagnie commandée par le lieutenant Richard Smekens.
Le 4 septembre, nous quittons Bruxelles pour rejoindre le groupement « K » (général Keyaerts)
dans les Ardennes. C’est là que nous trouve la guerre le 10 mai 1940. Le tableau des opérations de notre unité commence par des destructions sur la Salm, le 10 mai 1940, pour se terminer dans la nuit du 27 au 28 mai, par la destruction des moyens de franchissement sur les dix derniers kilomètres (vers la mer) des canaux Léopold et de Schipdonck. Nous sommes à Klemskerke depuis le 27 mai à 9h.30. Nous devions faire mouvement le 28 mai à l’aube pour une destination encore inconnue ; pendant la nuit, un contre-ordre, le mouvement est annulé, nous devons rester sur place. C’est à Klemskerke que nous apprendrons la capitulation, non par la voie officielle – les moyens de communication étaient très lents à l’époque ; nous devions transmettre les informations par coureur ou par estafette – mais par l’entremise de deux sources différentes : des tracts allemands nous ayant fait savoir que nous étions encerclés, nous n’avions vu dans ce message qu’une des manifestations de la propagande. Mais des civils nous ayant confirmé la nouvelle, nous nous rendîmes, Maurice Vanneste et moi, chez le lieutenant Smekens au P.C. de la Compagnie. Comme nous lui manifestions notre envie d’échapper à la capture, il nous demanda d’attendre les informations qu’il allait recevoir de l’état-major du bataillon. Lorsqu’il eut obtenu les renseignements attendus, le lieutenant Smekens réunit sa compagnie, forte de 140 hommes, en ordre de bataille. Après avoir fait exécuter toutes les sonneries réglementaires, comme s’il se fut agi d’une parade, il nous annonça la capitulation et nous fit part de son intention de poursuivre la lutte. Il demanda à ceux qui voulaient le suivre de faire un pas en avant. Vingt hommes franchirent ce pas qui devait finalement les amener en Angleterre. Je crois que ce fait est unique dans toute l’Armée belge, j’ose presque le qualifier d’historique.
« Les premiers volontaires »
Pendant notre voyage vers Dunkerque, pendant les heures qui suivirent la capitulation, nous faisions figure de parias : le discours de Paul Raynaud, traitant les Belges de tous les noms, n’avait pas manqué son effet. La petite colonne motorisée s’était formée et avait quitté Klemskerke vers 11h.45. Nous évitâmes Ostende et gagnâmes Dunkerque
en passant par Nieuport, Furnes et Bray-Dunes. La nuit du 28 au 29 se passa dans une cave à Dunkerque. Le 29, le lieutenant Smekens, Vanneste, Brion et moi rentrons en Belgique pour voir ce qui se passe à La Panne. Mais là aussi, nous essuyâmes des rebuffades, alors que nous offrions nos services... Le soir, nous retrouvons notre détachement à Adinkerke au poste frontière de « Papegaai ». Dans l’entre-temps, onze militaires belges dont le brigadier Arthur de Jonghe (plus tard
major aux commandos britanniques) et un caporal hollandais s’étaient joints à
notre détachement. Le 29 mai à 21h., les efforts du lieutenant Smekens et les négociations du Vicomte de Jonghe aboutissent : nous sommes incorporés dans la 1e Cie du 92e Bataillon du Génie de la 2 D.I.N.A. (Division d’Infanterie Nord-Africaine). Cette unité française est commandée par le capitaine Jacques Madrolle. La nuit du 29 au 30 se passe à la belle étoile, dans les dunes.
Trois militaires belges se joignent à nous le 30 mai. Nous sommes maintenant une trentaine. Nous ne passerons pas notre prochain week-end à Zuydcoote...car, le 30 mai vers 14 h., nous quittons Adinkerke à pied pour Dunkerque à la demande du capitaine Madrolle, notre détachement marche en tête du 92e Bataillon du Génie français. En sifflant des marches, nous entrons dans Dunkerque en flammes. Les abords du port et le port lui-même sont violemment bombardés par l’aviation et l’artillerie. Notre détachement se dévoue sans compter à l’évacuation des blessés. Nous ne serons pas épargnés,le commandant Blumlein et le brigadier Verboven sont grièvement blessés et transportés dans un bateau sanitaire.
A la nuit tombante, nous embarquons sur le « St-Helier ». Le 31 mai à 7h.30, nous débarquons à Folkestone. Les Anglais nous séparent des Français, nous remettons nos armes... pour eux aussi, l’armée belge a capitulé. Par chemin de fer et puis par cars, nous sommes conduits au camp Perham-Downs (près de Salisbury) où nous arrivons en fin d’après-midi. Nous sommes invités à ne pas quitter le camp ; ça continue... Le lieutenant Smekens se met en rapport téléphonique avec l’Ambassade de Belgique à Londres. Tout s’arrangera rapidement car le lieutenant général Chevalier van Strydonck de Burkel, qui se trouve en Grande-Bretagne à Tenby, a eu, lorsqu’il était colonel au 1e Guides, le père du lieutenant Smekens comme adjudant-major. Le 3 juin, au matin, nous quittons Perham-Downs, encadrés par une garde discrète en armes, pour rejoindre le camp belge de regroupement de Tenby dans le sud du Pays de Galles. Nous arrivons à Tenby à 19h.30, où nous sommes accueillis par un caporal... A Tenby, nous avons vécu dans une situation imprécise pendant quelque deux mois : y aurait-il oui ou non un gouvernement et une armée belge ? Au cours de cette attente, nous nous livrions au travail dans les champs et à la construction d’abris au profit de la Protection civile. Si ces activités n’avaient rien de militaire, elle nous permettaient néanmoins de ne pas moisir dans l’oisiveté. La première unité, formée le 13 août 1940, portait le nom d’Unité Combattante Belge (U.C.B.). Elle comprenait en plus de trois pelotons normaux, un quatrième peloton, dans lequel je fus intégré, et qui comptait les gradés trop nombreux pour recevoir une affectation d’encadrement. Petit à petit de nouvelles recrues sont arrivées à Tenby, parmi lesquelles beaucoup de jeunes et notamment Pol Renkin et Barette, qui s’illustreront quatre ans plus tard au sein de l’unité parachutiste belge. L’arrivée de cette centaine de jeunes gens nécessita la formation d’une deuxième compagnie dont le lieutenant Smekens prit le commandement et au sein de laquelle je fus affecté comme adjoint au chef du 2e peloton, sous les ordres du sous-lieutenant Neuray, qui devait trouver la mort dans un accident de moto. Le 8 novembre 1940, lors de la création de la compagnie état-major, je fus désigné comme chef du 5e peloton, celui des pionniers. Convoqué le 30 décembre par le major B.E.M. Cumont, j’appris ma désignation pour aller suivre les cours d’une école de candidats-officiers britanniques. Je rejoignis la 168th Officer Cadet Training Unit à Droitwich le 3 janvier 1941, pour retourner au bataillon belge à la fin du mois de mars et y reprendre provisoirement le commandement de mon peloton avec le grade de sergent candidat sous-lieutenant. Après avoir été nommé s/lieutenant auxiliaire pour la durée de la guerre, j’accomplis au cours de l’année 1942, un stage de quatre mois au « 60th Training Regiment » du « Royal Armoured Corps ».
Le 22 janvier 1943, l’unité fut dissoute. Après la constitution de trois compagnies indépendantes, je fus désigné comme Signal Officer de la 2e compagnie, fonctions que je remplis jusqu’au 7 octobre, date à laquelle je remplaçai à titre temporaire le capitaine Smekens, absent, à la tête de la 1e compagnie de Génie qui se formait à Lowestoft.
La compagnie était composée d’un peloton de sapeurs subdivisé en quatre sections de 12 hommes.
Les hommes étaient soumis à une instruction militaire typiquement britannique
Walton hall, de gauche à droite : Van Dyck, adjudant Vissers, ? |
Instruction théorique de l’adjudant Vissers |
Sur chacune des photos, à l'extrême droite, l’adjudant Pierre Harboort.
En janvier 1944, la « First Field Engineer Coy » partait pour un entrainement intensif au camp « Fulwood Barracks » à Preston. La plus grande partie de l’entrainement fut consacrée à construire les ponts Bailey et apprendre les techniques de déminage.
Le génie de la conception du pont Bailey résidait dans la simplicité de son montage. Sans aucune aide mécanique une équipe du génie pouvait monter et démonter un pont rapidement et très facilement.
Son architecte : Sir Donald Bailey.
Ce pont exposé dans le parc du Memorial Pegasus a été utilisé
sur la Dives jusqu’en 2001.
Le « Gros » de la Brigade quitta Newmarket, le 3 août 1944 à quatre heures, pour rejoindre ce que l’on appelait la « Marshalling area » à Tilbury. Dès le lendemain, le chargement commence à bord de quatre Liberty Ships : Le « Gladstone », le « Paul Benjamin », le « Henri Austen » et le « Finlay ». Le soir tombe quand les navires appareillent pour rejoindre un convoi au large de Whistable. Le départ pour la traversée de la Manche n’aura lieu que le 6 août à 8h.15".
Le lieutenant Pierre Lefèvre participa à toutes les campagnes de la Brigade Piron comme second du capitaine Smekens. Un job très ingrat consistant avec des moyens insuffisants d’appuyer une grande unité motorisée pour aider à passer les nombreuses coupures de l’Orne à la Seine et déminer les chenaux nécessaires dans des régions fortement minées.
Il sera un des pions majeurs de cette unité qui pourra se glorifier qu’un pont Bailey construit sur le canal à Bree à proximité de l’ennemi servait toujours aux civils vingt ans après !
La Brigade Piron passa le 25 septembre 1944 à 8H15, le "Brussels Bridge"
Témoignage du Lt. Pierre Lefèvre
extrait
« Des Hommes Oubliés »
par Guy Weber