VAN TURNHOUT Joël- Lt - Mat 2331 Bde Staf Coy - Field Ambulance |
|
|
Adjudant Van Turnhout Joël
Brigade Staf Coy - Field Ambulance
Matricule : 2331
Le 14 mai 1940, le 24e Régiment de ligne évacue ses positions de Hasselt.
En effet, le Commandement a décidé le repli sur la ligne K.W. Après une nuit très courte à Nieuwrode et Willebroek, il poursuit sa route vers Tamise, Gand et Courtrai puisque la Lys a été choisie comme ligne de défense. Le Colonel Franckx installe son régiment épuisé et démoralisé dans le secteur de Courtrai-Kuurne. Dans le courant de la soirée du 23 mai, il peut annoncer au Général Coppens, son commandant de division : “Installation sur la nouvelle position terminée”.
Le 24 mai, dans l’avant-midi, Joël Van Turnhout reçoit une double mission de son nouveau chef de corps, le major Mertens : évacuer un prisonnier allemand sur le quartier général divisionnaire à Gullegem-St.Elooi-Winkel et passant par le secteur de Bissegem, celui du 3eRégiment de ligne, rétablir le contact avec les voisins.
Le 3e Régiment de Ligne avait quitté ses positions. Nous avons essayé vers 15h30, dans le sens Heule-Watermolen, de retourner vers Kuurne. Le chemin de campagne était surélevé par rapport aux champs environnants.
Devant moi, marchaient le soldat Firmin D’Hulster et son camarade Van Eno.
Soudain, quelqu’un cria : “Sergent! Sergent!” Je me retournai pour venir en aide à celui qui appelle mais d’un champ de blé, partent des coups de feu dans ma direction. Je suis touché au côté gauche et au bras, comme si j’avais reçu un coup très fort sur le côté, je saigne abondamment et j’ai mal. Du secteur du 3e de ligne, on répond à cette attaque par des feux de mitrailleuse Maxime. Un sergent courageux du 3e de ligne perdit la vie suite à l’intervention d’un avion allemand mais la patrouille ennemie était décimée. Les corps des victimes furent évacués mais mon heure n’était pas encore venue.
A Heule, je fus déposé au poste de secours de l’artillerie, c’est là que je reçus les derniers sacrements du curé de la paroisse. Le capitaine-médecin Marcel Joassin me procura les premiers soins. On me transporta à Roeselare où mon frère le lieutenant-médecin Albert Van Turnhout, attaché à la 4e ambulance de campagne comme chirurgien, prit soin de moi à Maria Rustoord.
Le 25 mai 1940, je sortis de narcose. Un assistant infirmier me fit manger un “rolmops” qui faillit me faire mourir. Mes blessures ne furent vraiment cicatrisées qu’à la fin de l’année 1946. La douleur demeurait. Je vis sans estomac depuis 1985 parce qu’on a du procéder à une sectomie du pilore.
Ce blessé convalescent est à Bourg-Léopold le 14 décembre 1940, avec onze prisonniers français dans les blocs “cavalerie”. Le 27, il sort du corps de garde où les Allemands cuvent encore le vin qu’ils ont bu pendant la fête de Noël.
D’autre part des mouvements de trains le long de la voie ferrée toute proche, permettent à Joël Van Turnhout de grimper dans un wagon de marchandises et d’atteindre Diest. Il rejoint Louvain et Gand où il se refugie chez son ami Jean Ingels qui sera fusillé le 20 octobre 1943.
De l’hôpital de Mont Saint-Amand à Gand, ils avaient fait ensemble une dizaine de tentatives d’évasions qui échouèrent. En attendant une occasion, ils rassemblaient des renseignements utiles concernant les troupes allemandes stationnées à Gand.
Le 14 juillet 1941, Joël Van Turnhout décide de quitter Bruxelles par chemin de fer vers Lille et Corbie pour passer la Somme, première frontière. Il nage pour atteindre l’autre rive avec Andrée De Jongh. Oui, “elle”… C’est le chemin qui sera connu plus tard sous le nom de ligne “Comète”.
Arrivés à Paris, ils attendent pendant trois jours leurs fausses pièces d’identité.
En train pour Bayonne, à pied pour Anglet-St-Jean où il retrouve le bourgmestre belge De Greef avec 13 évadés.
Après huit essais, le 25 juillet 1941, le franchissement des Pyrénées est entrepris avec de multiples aventures, de rencontres avec des patrouilles allemandes. Leur guide espagnol qui devait les conduire à Bilbao s’évanouit dans la nature alors qu’il avait été payé… Ils sont arrêtés par les Carabiniers et incarcérés à Irun.
Le 28 juillet, transportés à Hendaye, on tenta de les remettre aux Français.
Georges Marquet les prit en charge et le 6 août ils furent placés en résidence forcée à l’hôtel Juaristi. Ils arrivèrent par chemin de fer à Lisbonne, le 16 octobre 1941. En résidence forcée à Praia do Sol, à Costa de Caparica ils furent ensuite embarqués sur le “René-Paul” pour Gibraltar.
A bord du “Batory” ils rejoignent Greenock et Patriotic School où ils restent 30 jours. On se demande ce qui a déterminé les services de sécurité britanniques à retenir plus ou moins longuement les évadés dans cette “station de triage”. Probablement l’encombrement. Joël Van Turnhout est entré dans les Forces Belges de Grande-Bretagne pour devenir le combien bienveillant Sergent Major de Crikiett.
Il passe à la Brigade Piron pour être le R.S.M. de la Field Ambulance pendant la campagne de Normandie, celle de Hollande et passe en Allemagne à l’état-major de la Brigade.
Il est là, devant nous, à la parade de la victoire à Bruxelles, portant le fanion de commandement de Jean Piron.
Ce que nous lui reprochons? Après avoir vécu ensemble au bataillon “Libération” en Allemagne où il était R.S.M. (Regimental Sergeant Major) de 1947 à 1949, alors que j’étais porte-drapeau, il ne m’a JAMAIS raconté son histoire… Et sa modestie l’a poursuivi jusqu’au pèlerinage de Gibraltar en 1988.
Parade de la victoire à Bruxelles
Extrait :
“Le Rendez-vous de Gibraltar”
par Guy Weber
Mise en page par Didier Dufrane