Victor VAN LAETHEM - Capt - Mat 36293 1ère Cie - Etat-Major |
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Capitaine Van Laethem Victor
1ère Compagnie - Staf
matricule : 36293
"TOUT OFFICIER PRISONNIER A LE DEVOIR DE S’EVADER"
Certains, traditionnalistes, respectueux de la hiérarchie militaire jusque dans l’absurde, se résignent comme le malheureux Charlotteau qui partira en captivité pour cinq longues années. Les Allemands eux-mêmes n’ont pas compris... Ceux qui se rebiffent sont considérés comme des rebelles. Mais la plupart ont obéi la mort dans l’âme et le lieutenant Van Laethem a suivi un chef pour lequel il avait une véritable vénération. Mais il n’ira pas plus loin. Il a obéi à un ordre stupide. Mais une fois en cage et la mauvaise foi des Allemands démontrée, les règles usuelles de loyalisme ne sont-elles pas automatiquement abolies ? – Victor Van Laethem est congénitalement allergique à la captivité. Tous ceux qui ont connu ce tempérament impétueux, me comprennent. « Le Vic » est une boule de nerfs. Il n’a jamais été gros. Les yeux dévorés de foi de ce personnage dont la vie est d’abord spirituelle, vous expliquent que lorsqu’il a une idée en tête, il ne l’a pas ailleurs... « Le Vic » a dit à son colonel que désormais, il ne le suivrait plus. Il est « malade » de se trouver dans les barbelés.
Il le confesse lui-même : « J’en crèverai ».
En juillet 1940, les Allemands l’enfournent avec ses compagnons de voyage, au Camp de Soest où le sort le conduira dans la chambre de Louis Thumas qu’il retrouvera, un jour, bien plus tard en Angleterre. Comme dans tous les camps belges, l’ennemi avait décidé de « diviser pour régner » et séparait les Wallons des Flamands. Van Laethem, comme tous les officiers, est convoqué devant un « comité ». Celui-ci est composé de deux officiers flamands qu’on disait « blancs » à l’époque, et de deux officiers allemands
réputés « gris ». N’est-ce pas la discrimination raciale ?
Ces messieurs constatant d’après les documents d’état-civil, que Victor Van Laethem est né à Ninove de père et mère flamands, lui demandent s’il est effectivement un officier « flamand ». Comme il répond négativement, on lui demande s’il est un officier wallon. « Le Vic », une fois encore répond : « Non ! ». Mais alors, s’écrie le président de la commission, qu’êtes-vous ? Imperturbable, Victor Van Laethem leur déclare : « Je suis un officier belge ! ».
« Le Vic » est expulsé du local où se trouve réuni le comité.
Soest n’est qu’un camp de transit. Les officiers belges sont transportés au camp de Tibor, en Silésie où ils se retrouveront à mille huit cents...
« Le Vic » n’arrète pas d’échaffauder des plans : calcul des lunaisons, choix des dates possibles, constitution de vivres de réserve, ajustage d’un accoutrement, carte de géographie et moyen sûr pour franchir l’enceinte du camp. Mais l’atout principal reste celui recommandé jadis par le colonel Bastin : « Apprenez la langue du pays ». Mais les Allemands préparent la campagne de Russie et décident d’évacuer de Silésie, ces prisonniers indiscrets. Un changement de camp est une catastrophe pour les plannificateurs de « cavales ». Tout est à recommencer... Et les cadres de l’armée belge sont incarcérés à Prenzlau. Le nouveau site présente un avantage : la proximité de l’autoroute qui relie Berlin à Stettin. D’autre part, le commandant du camp ne ressemble pas à un tortionnaire. Cet aristocrate allemand aurait pu jouer dans « La Grande Illusion ». Il consent aux officiers qui se conduisent bien, des promenades gardées dans la nature, voire des séances de natation dans les piscines locales, des cours d’allemand, des cours de chant...
Comment ne pas profiter de cette aubaine ? Le Vic va chanter, le Vic va se promener, le Vic prévient ses camarades de chambrée. Et le 19 juillet 1941, il est pour l’ultime fois, candidat à la promenade-bain. A la sortie de la piscine, le Vic demande à se rendre aux toilettes. Il n’en sortira pas. En effet, à l’issue de cette séance de sport, seule l’installation est contrôlée. Les officiers sont rassemblés à l’extérieur, comptés, et un soldat examine si personne n’est resté à l’intérieur. Au moment où la garde pousse la porte du petit-endroit, le Vic est écrasé derrière celle-ci, arrêtant son souffle et invoquant tous les dieux complices des évadés. Le « truc » réussit. Van Laethem enfile les vêtements civils qu’il a dissimulé sous sa tunique, se cache dans un fourré et attend la nuit. Dix kilomètres le séparent de l’autoroute. Il parcourra ainsi 115 kilomètres en deux jours se restaurant de « nic-nac » et de l’eau de la rosée. Il atteint l’axe d’accès de Pankow, cette banlieue de Berlin. On le met dans un tramway qui conduit à Spandau et dont le terminus aboutit au canal. Sous un pont enjambant ce dernier, comme un clochard, transi de froid, le Vic passe la nuit. Il pleut. Il est épuisé. Au lever du jour, il fait sa première rencontre « amie » dans des vespasiennes. Des travailleurs français !
Ceux-ci comprennent vite et conduisent Van Laethem comme s’il s’agissait d’un compagnon ivre, dans une baraque de travailleurs belges. Il est nourri, emballé dans un lit et on lui change en marks son billet de mille francs belges.
Plein de reconnaissance, il est conduit par un Schaerbekois courageux à l’Anhalter Banhof où il prend le train pour Tutlingen. Il descend à Nuremberg où il faut changer de train. Après avoir traîné dangereusement dans les environs de la gare, en route pour Stuttgart où un omnibus conduit à la frontière suisse. Mais nous n’y sommes pas encore... Près de la gare de Tutlingen, ça sent la choucroute... Et quand on meurt de faim... Le Vic n’y tient plus. Il pousse la porte du modeste hôtel local et commande une choucroute. Alors qu’il confesse à la serveuse qu’il est un « travailleur » belge, celle-ci lui renseigne une compatriote qui se repose à la chambre 9... Cette demoiselle « S » que le Vic menaça sans ménagements, lui indiqua l’omnibus à prendre et quelques détails intéressants concernant la frontière.
Juillet 1941 et octobre 1942
Le fantastique voyage de Victor Van Laethem de Prenzlau à la Suisse.
Après ? Il faudra traverser la France et l’Espagne...
Omnibus, petite-gare, talus du chemin de fer, remblai, voilà Van Laethem seul, dans la campagne avec cette précieuse petite boussole et ce gisement : « 220° ». Ici commencent trois nuits d’angoisse au gré des pâturages, des meules de foin, perdu parmi les vaches à cloche et des accidents de terrain où le verre de la pauvre petite boussole se brise. Mais la frontière est là, toute proche et qui aiguillonne le courage de Vic.
Voici une barrière striée reposant sur deux bornes. Une guérite dans laquelle le gardien est profondément assoupi. Van Laethem se glisse sous celle-ci, le temps
d’apercevoir une autre barrière identique à quelques dix mètres de là. Serait-ce le jour de Morphée ? La sentinelle dort aussi. Et voici une fermette. Anxieux et dans la hâte qu’on imagine, le Vic gratte à la porte comme le font les chiens abandonnés.
« Bin ich in der Schweiz, Bitte ? »
(Suis-je en Suisse, je vous prie?)
Une voix cassée de sorcière répond dans la nuit :
« Nein ! Nein ! Die and’re Seite aus ! »
(Non, non ! C’est de l’autre côté)
Etait-ce une vraie sorcière ou la peur conduirait-elle le mensonge aux limites de l’ignoble ? Le Vic rebrousse chemin pour sentir une baïonette dans les reins.
Cette ombre casquée d’un douanier dont les compétences en temps de guerre égalent celles de toutes les polices du monde... Adieu la cavale !
Van Laethem se retrouve dans un cachot à Villingen ! Le Vic passe quatre semaines dans cette cage où évoluent essentiellement des Français, des Algériens, des Yougoslaves et UN Belge : lui.
Au début du mois d’août 1941, Van Laethem est ramené à Prenzlau. Le téléphone de brousse a dû fonctionner. Alors qu’il aborde les bâtiments situés en face du camp de prisonniers, un tonnerre d’acclamations fait ressembler l’accueil à une émeute. On
imagine la réaction des gardiens. Mais Herr Major von Königsmark, commandant l’Oflag de Prenzlau, appartient à cette race en voie d’extinction et dont l’éducation conduit à respecter certains principes chevaleresques. Un officier qui s’évade n’est pas un officier méprisable : il est un officier respectable. Van Laethem est amené à coups de bourrades devant son justicier secondé pour la circonstance par une dactylo qui tapera le procès-verbal de l’enquête. Le Vic sent derrière les quinze jours de cachot qui lui sont infligés, une certaine estime. Une idée diabolique qu’il intitule avec pudeur dans ses carnets « une tentation » lui traverse la cervelle.
Après la punition, l’évadé doit changer de camp. Mais le Vic veut faire profiter les suivants de ses « tuyaux » et sait-on jamais... Il demande au commandant du camp de l’Oflag, Herr Major von Königsmark, de revoir ses camarades avant de partir.
Craignez-vous que je m’évade à nouveau ? L’officier supérieur allemand blémit. Un officier allemand ne craint rien ni personne. Le voyant hésitant, le Vic ajoute : "
donnez-moi vingt-quatre heures à passer avec les copains. Si je ne suis pas parti dans ces délais... » Les jeunes d’aujourd’hui diraient : « Il est gonflé, le Mec ! »
Van Laethem l’était en effet. Après ses deux semaines de prison il rentre dans sa
« cale » 308 pour bénéficier de la trêve promise. Il faut d’abord faire rapport au comité d’évasion qui siège dans la cave. Le colonel Bolle et le commandant Reniers auront vite fait d’apprendre les écueils à éviter au cours des prochaines expériences.
Mais quand l’intéressé leur fait part du pari engagé avec Herr Königsmark, ces messieurs tombent des nues. Il faut pourtant trouver une solution.
Mais grâce aux réflexions du « petit-Jésus » et pour la circonstance Louis Van Overeem a été inspiré par le Saint-Esprit, le Vic a une idée de génie. Dans le grenier du camp, où l’on entrepose les costumes de théâtre, permet de dissimuler un homme.
Pendant trois semaines ses camarades viennent le nourrir, à tour de rôle, clandestinement. Quelle chaîne de surveillance n’a-t-il pas fallu mettre en place pour que les geôliers ne se doutent aucunement qu’un officier vivait « dans une caisse au grenier ».
Le « Petit Jésus » alias Van Overeem et le « Prof » alias Adolf Deckers et Philippe De Feyter furent les principaux artisans de cette évasion.
A chacun des appels, un organe germanique vocifère : « Van Laethem ? ». Silence impressionnant et combien enthousiasmant pour ceux qui sont « dans la combine ».
On passe l’inspection des clôtures de fils de fer barbelés. On mobilise des patrouilles.
On fouille méthodiquement le camp et une baïonette s’enfoncera dans la caisse à quelques millimètres de la peau du Vic. Des chiens sont lancés sur des traces hypothétiques et les conspirateurs devront veiller à ce qu’elles ne conduisent pas vers les greniers. Le major allemand stupéfait, au bord de la dépression nerveuse probablement, croit qu’il a perdu « son pari ». Il faut d’ailleurs qu’il en soit persuadé pour que cessent les recherches et les enquêtes policières.
Avez-vous déjà véçu trois semaines dans un grenier ? Le Vic a décidé qu’il ne sortirait du camp qu’en compagnie d’un autre officier. Le lieutenant de cavalerie Constant de Montpellier de Vedrin réunit toutes les conditions pour accompagner le Vic dans une nouvelle aventure d’évasion. Trois jours plus tard, armés de bâtonnets chocolatés de « cola » et d’une pince coupe-fils, les flibustiers opèrent avec l’aide du guet : le « petit-Jésus » encore... L’affaire n’est pas mince ! En effet, l’enceinte du camp est composée de deux rangées de chevaux de frise qui protègent un couloir où s’élève une clôture également en barbelés. Après se dresse le vieux mur du camp.
Cette enceinte est gardée par des rondes de sentinelles armées et surveillée de haut, par des miradors où sont installées des mitrailleuses Spandau. Des phares lumineux installés sur les mêmes miradors balaient régulièrement les clôtures.
Il fait nuit à sept heures trente. Après le deuxième appel, les conjurés entr’ouvrent la porte du hangar. Constant va couper les fils. Après leur départ, le « petit-Jésus » les raccordera pour que les gardiens ne découvrent pas la brèche. Entre chaque ronde et quand l’obscurité revient après le phare indiscret, la pince fait « Clic-clic ».
Le plan réussi à merveille. Nos deux héros se retrouvent dans un buisson du parc communal proche de la gare. Les deux officiers belges déguisés en travailleurs étrangers, montent dans ce train de banlieue qui descend via Berlin, vers Dresde, Nuremberg et ... Tutlingen, vous vous souvenez ? A partir d’ici, le Vic connaît la musique. Il repère aisément les deux postes frontières et la boucle que le territoire suisse suit capricieusement par delà les talus. Après un cent mètres plat, échappant au
« Halte !... Halte ! » de la sentinelle allemande, Constant et le Vic franchissent ainsi la frontière se trouvant enfin sur le sol Helvétique ! Accueillis par la police suisse, entrant immédiatement en contact avec l’Ambassade de Belgique à Genève, les deux fuyards sont assignés à résidence forcée confortable où ils passeront l’hiver.
Le 6 mai 1942, sur le trottoir face à l’Ile Robinson, à Genève, le Vic reçoit le mot de passe : « JOSEPH ! ». En route pour la France de Pétain et l’Espagne !
Toujours avec ce mot de passe pour seul passeport, Van Laethem parcourt 80 kilomètres en deux jours. Le voilà à Marseille où on l’équipe pour la traversée des Pyrénées. Le Vic arrive ainsi à Barcelone où l’accueille Pedro Schul.
Victor Van Laethem est caché dans une famille de « l’opposition » qui prend en quelque sorte sa revanche en aidant ceux qui vont « se battre avec les Russes ».
La Madre le gâte mais le Vic est – comme toujours – bouillant d’impatience. Pedro
Schul l’enfourne dans un train avec un aviateur belge : Remy. Pas question de rejoindre le Portugal, la filière a craqué. Par contre, dans les cactus qui bordent la baie d’Algéciras, se trouve une barquette... Voire ! En effet, alors qu’ils se trouvent à la Linea, au bout de la péninsule ibérique, après dix-huit heures de chemin de fer, le long de cette ligne artificielle qui sépare l’Espagne du territoire britannique de Gibraltar, au bord de la mer, ils constatent qu’il n’y a pas de barquette. Les carabiniers leur demandent leurs papiers d’identité. La réponse ?
Les deux évadés plongent. Avoir fait un si long chemin depuis Prenzlau pour échouer dans les geôles de Franco ? Jamais ! Plutôt « crever » ! Et il sera près de l’être ! Le bras de mer mesure HUIT kilomètres. Au bout de huit-cents mètres le Vic est prêt à tout abandonner. Remy part de son crawl de professionnel vers les installations portuaires britanniques pour chercher du secours. Le Vic nagera TROIS kilomètres. Vous me comprenez ? TROIS kilomètres en Méditerranée pour un profane, seul, et qui coule... Deux bras énergiques le soulèvent. L’odeur du mazout et le ron-ron du « Speed-Boat » : il est minuit vingt quand le Lieutenant-commander Richards amène Victor Van Laethem sur le Roc. Le Vic, après avoir « remis tout ce qu’il avait pris à la mer », plus mort que vif, mais regénéré par le rhum de la Royal Navy, ouvre les yeux sur la vrai liberté. Il fut embarqué à bord du « Landstephen Castle» qui faisait voile vers Greenock.
Après Patriotic School, ce fut Leamington-Spa et la Compagnie Parachutiste.
Enfin, il rejoignit la Brigade Piron où il devint comme nous le précisons au début de ce récit, le commandant en second de la 1e Compagnie Indépendante.
De gauche à droite : 1e rang : Deblock, Van Laethem, Wintergroen (C.O.), Dekindere 2e rang : Jacobs, Fassin, Wanty, Wibin, Hiernaux. |
Wibin et Fassin, Victor Van Laethem à droite. |
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Lowesthof en 1943.
« Normandie, le 10 août 1944 à Hauger »
L’état-major de la Brigade Piron s’installe provisoirement à la mairie d'Hauger.
A l’extrême droite sur le seuil : Capitaine Victor Van Laethem
Victor Van Laethem M.B.E. Premier commandant du Bataillon « Libération ».
Photo prise en juillet 1945, lors de l’inauguration de l’avenue Brigade Piron à Molenbeek
Distinctions honorifiques e.a.
Victor Van Laethem s’est évadé deux fois d’Allemagne pour arriver dans des circonstances rocambolesques à Gibraltar. A la nage... il a été fait O.B.E.
(Order of the British Empire).
Extraits
“Evadés”
“1944 Des Belges en Normandie”
par Guy Weber
mise en page par Didier Dufrane