Alexis SOYKA - Soldat - Matricule 3058

3ème Compagnie - Recce

 

 

 

Soldat Soyka Alexis
3ème Compagnie - Recce
Matricule : 3058

 

 

ALEX,  LE “POLAK”

 

Né en 1920 à Tchestokowa (village du Pape Jean-Paul II),  c’est ainsi que nous l’appelions tous.  Dans le ghetto où il avait été élevé,  il n’était certes pas riche mais il était cultivé.  Il avait trouvé dans la bible,  toutes les forces nécessaires pour affronter la vie.

En 1938,  ses études secondaires terminées,  par la voie de la presse,  son père chercha un établissement universitaire qui pourrait l’accueillir pour faire des « études d’ingénieur ».  L’Université de Liège répondit positivement.  Il débarqua dans la « Cité Ardente » où un responsable le reçut avec un cornet de frites,  ce que jamais il n’oublira.

Septembre 1939,  l’Allemagne attaque la Pologne.  N’écoutant que son courage,  Alex Soyka se précipite au Consulat pour contracter un engagement dans l’armée de son pays.  Le temps de prendre des contacts,  de faire les papiers,  et la Pologne est écrasée en trois semaines.  Mais le Général Sikorski forme une brigade en France.
Alex Soyka passe la frontière,  et s’engage pour six mois pour coiffer ce képi à losange que portaient ses compatriotes.

 

 

Général Sikorski

Mais la France aussi capitule le 20 juin 1940.  Les Polonais se regroupent dans l’estuaire de la Garonne et la plupart d’entre eux s’embarquent à Bayonne.

 

Les navires polonais « Batory » et « Sobieski » embarquaient les soldats polonais destination Grande-Bretagne.
Arrivés en Grande-Bretagne,  Sikorski laisse le choix à ces volontaires à court terme.  Et Alex Soyka s’engage chez De Gaulle,  dans cette 13e demi Brigade de la Légion Etrangère qui rentre de Norvège.


Insigne de la 13e demi Brigade de la Légion Etrangère

 

 

Comme il parle mal le français et entend difficilement l’anglais,  on en fait un « Aide-cuisinier ».  Il est à fond de cale sur le convoi qui vogue vers Dakar.  Il pèle les patates mais a « vu » le grand Charles.  Et avec lui,  il repart bredouille vers le Nord :  la Somalie,  l’Erythrée,  l’Egypte où il débarque au Caire.  Là encore,  en janvier 1941,  six mois se sont écoulés,  et Alex Soyka va trouver l’Ambassadeur de Belgique.  Il raconte son passage à l’Université de Liège et le major Legrand qui cherchait des volontaires belges,  l’engage immédiatement.

Pour le retour vers l’Angleterre,  il est à bord d’un bateau qui transporte des prisonniers de l’Afrika Korps vers l’Afrique du Sud.  Il fait partie des gardiens armés.  Une nuit,  alors que les détenus qui vivent à fond de cale sont admis sur le pont,  pour mieux respirer,  il surprend une conversation entre Allemands dont il comprend la langue.  Ils projettent de s’emparer du bateau à l’aide de couteaux qu’ils ont confectionnés avec les boîtes de conserves qui leur servent de gamelles.  L’un d’entre eux étant capitaine au long cours,  la navigation sera assurée.

Il est minuit quand Alex Soyka demande à voir le commandant de bord.  On lui rit au nez !  Il insiste,  se fâche,  prétend qu’il y va de l’avenir du bateau !  Il est reçu...
Une garde spéciale de marins et de volontaires armés prend l’affaire en mains.
On fait sortir tous les prisonniers,  en file indienne,  nus,  sur le pont.  Les marins fouillent la cale et découvrent les preuves du complot.  Les prisonniers débarquent dans la même tenue à Durban au grand dam des Sud-Africaines blanches.


La suite ?  Voilà Alex Soyka à Liverpool,  à Londres,  à Patriotic school,  à Malvern, au Groupement Belge.  Il y devient A.T.K.  C’est quoi ?  Canonnier anti-tank.



Canons de 6 livres tractés par des Lloyds Carriers

 

Pourvoyeur d’un canon de 6 livres tirant des obus à charge creuse (« With a discarding sabot ») qui traversent les blindages usuels.
Le canon est désservi par trois hommes :  un chef de pièce,  un pointeur et un tireur.  Mais il faut des bonshommes autour qui déchargent les munitions,  les déballent,  les entassent.  Au moment du débarquement,  les canons sont tractés par des Lloyds Carriers et les obus transportés par le même type de chenillette dont le moteur souffre et tousse...  Les routes de Normandie furent jalonnées de Lloyds en panne !

Mais Alex Soyka a d’autres cordes à son arc.  Il a été repéré par « Pronto »,  alias John Close,  l’officier des transmissions de la 3e Unité Motorisée.  En effet,  oubliés sont les balbutiements en langue française.  Alex Soyka parle maintenant couramment celle de Voltaire et celle de Shakespeare.  Il s’intéresse aux postes de radiophonie,  dont ceux de « 18 »,  aux « cartex » qui codent les messages,  au calibrage des mises en réseau.  Il devient « transmetteur ».

D’abord dans un peloton d’assaut,  celui de Louis Thumas,  le meilleur.  Et plus  tard dans une Section de Reconnaissance (la mienne...)

A l’issue de la guerre,  la Belgique reconnaissante a remercié ce « Polak » en lui accordant notre nationalité.  Mais l’espace était trop exigu pour Alex Soyka.
Il est aujourd’hui « Canadien » et propriétaire d’une chaîne de papeteries.  Il est surtout « reconnaissant » - Qualité rare.

Pendant trois années consécutives,  il nous a procuré,  à mon épouse et moi-même,  un billet d’avion aller-retour pour Montréal où il nous hébergeait pendant l’été.

Faut l’faire,  non ?

C’est une belle histoire !  Oui !  L’une de celle de beaucoup de volontaires des Forces Belges de Grande-Bretagne.

 

Extrait
« 1944 Des Belges en Normandie »
par Guy Weber

 

mise en page par Didier Dufrane